vendredi 8 janvier 2010

Citations 2009



Un florilège des citations rencontrées au fil de mes lectures...

Le compteur Geiger de l'affection, lorsqu'on le pointe sur telle ou telle pièce, ne réagit pas de même. Il grésillera toujours aussi fort pour ce bougeoir à dauphins du XVIIe siècle et peinera à émettre un chuintement pour cette cuillère d'or aux armes de France, que l'on avait pourtant guettée de longs mois dans la vitrine de l'antiquaire. Il devient alors possible de se séparer de la cuillère sans regrets tandis que la vente du bougeoir restera un arrachement. Cette réévaluation affective et spontanée des objets m'est toujours demeurée des plus mystérieuses.
Antoine Laurain - Ailleurs si j'y suis

Il est facile d'abuser ceux qui veulent croire : il faut leur dire ce qu'ils veulent entendre. C'est tout, rien de plus. Les phrases sont déjà en eux, il suffit de les prononcer telle une formule magique pour que l'effet opère.
Antoine Laurain - Ailleurs si j'y suis

Je suis triste, seul et, pour l'instant, je veux qu'on me laisse triste et seul. Voilà. C'est comme ça, je n'y peux rien, finis-je par répondre.
Antoine Laurain - Carrefour des nostalgies

elle pratiquait la claudication bancaire avec une certaine agilité
Jean-Christophe Grangé - La forêt des Mânes

Revivre après avoir été mort à soi-même était dangereux. Il y avait beaucoup trop à ressentir,
Louise Erdrich - La chorale des maîtres-bouchers

Les livres doivent aller à ceux qui les apprécieront et non pas rester sur des étagères à prendre la poussière dans l'oubli le plus complet.
Christopher Paolini - Brisingr

Je suis méthodique et je fais ce qui doit être fait. Les mauvaises infirmières sont celles qui sont trop sensibles. Elles ne servent à rien. C'est paradoxal : les infirmières qui s'investissent le plus sont celles qui, selon moi, ne font pas leur travail aussi bien qu'elles le devraient.
Carol Ann Lee - La rafale des tambours

Aujourd'hui on ne demande plus seulement à la justice de punir, mais d'évaluer des vies : pourquoi M. Chiclitz a-t'il tué ? Est-il responsable de ses actes ? Y a-t'il un espoir qu'il s'amende, et, si oui, quelle sera la peine la plus à même de le remettre dans le droit chemin ? Et pour finir : dans l'intervalle, il est dangereux, ou pas ? Je vous assure. C'est devenu la pesée des âmes.

Les feuilles mouraient par pleines charretées et les arbres, privés de leur fouillis vert et or, semblaient avoir été taillés rageusement au couteau par des bûcherons d'ascendance germanique et peut-être vaguement slave. Leurs arêtes s'affirmaient en une géométrie à peine diminuée de brume, tandis que le sol sans cesse avachi d'averses se couvrait d'une boue omnivore. L'hiver allait assiéger le navire : il se précisait de ciel en ciel, jetait un peu plus tôt chaque jour la lumière dans sa fosse, et par-dessus des pelletées de terre-ténèbre, laissait de moins en moins de temps au soleil pour cuver son ivresse pleine de vin triste et déployer les couleurs de ses agonies.

On vous y voit danser autour des grandes oeuvres ; vous leur vouez un culte. A la moindre occasion, vous plâtrez leur écorce d'une couche de glose si épaisse qu'elle fait disparaître la beauté. Vous vivez dans l'ombre des grandes oeuvres : elles vous rapetissent ; elles vous écrasent.

Quand les faits sont invérifiables, je pense qu'il faut choisir parmi les différentes versions du monde celle qui enrichit le plus l'aventure collective et qui respecte le mieux les capacités de notre esprit.
Vincent Message - Les veilleurs

En ce temps-là, on pratiquait aussi volontiers l'accolade que la décollation.
Alexandre Dumas - Le chevalier de Maison-Rouge

Rappelle-toi que les choses que tu te mets dans la tête y sont pour toujours, dit-il. Il faudra peut-être que t'y penses.

Quand tu n'as rien d'autre construis des cérémonies à partir de rien et anime-les de ton souffle.
Cormac McCarthy - La route

Rien ne pouvait advenir de mauvais, lorsqu'on était protégé par des alignements de reliures fraternelles. Il suffisait d'ouvrir un volume pour que s'élève une petite musique toujours émouvante et jamais semblable.
Jean-François Parot - L'énigme des Blancs-manteaux

« De toutes les fonctions de la littérature, vous me confirmez qu’une des plus heureuse est de faire se reconnaître et se parler des gens faits pour s’entendre. »


« Ils ne lisaient que des romans, ce n’était pas qu’ils en manquaient, ils en avaient des piles en attente, au pied de leur lit, à la tête, sous la table de leur bureau, sur le canapé de l’entrée. Mais dans les librairies, ils étaient mal à l’aise et, le plus souvent, ils en sortaient pris d’un cafard qu’ils trouvaient eux-mêmes excessif et sans avoir rien acheté : ils avaient eu du mal à respirer, quelque chose ne passait pas, ou ils ne savaient pas s’orienter – enfin c’était assez étrange, eux qui n’aimaient rien comme lire tout leur soûl le soir en silence, délivrés de la conscience du temps, qui se rappelaient leur fracture de la cheville et les deux mois d’immobilité qui s’étaient ensuivies comme un trait d’or dans leur passé, eux que le roman consolait de tout, ils allaient rarement dans les librairies. »


Nous voulons des livres nécessaires, des livres qu’on puisse lire le lendemain d’un enterrement, quand on n’a plus de larmes tant on a pleuré, qu’on ne tient plus debout, calciné que l’on est par la souffrance ; »
Laurence Cossé - Au bon roman

« Commença alors pour ma mère la période des fils de couleurs.Ils avaient fait irruption dans sa vie, modifiant le regard qu'elle portait sur le monde.Elle fit le compte : le laurier-rose, la fleur de la passion, la chair des figues, les oranges, les citrons, la terre ocre de l'oliveraie, le bleu du ciel, les crépuscules, l'étole du curé, la robe de la Madone, les images pieuses, les verts poussiéreux des arbres du pays et quelques insaisissables papillons avaient été jusque-là les seuls ingrédients colorés de son quotidien. Il y avait tant de bobines, tant de couleurs dans cette boîte qu'il lui semblait impossible qu'il existât assez de mots pour les qualifier. De nombreuses teintes lui étaient totalement inconnues comme ce fil si brillant qu'il lui paraissait fait de lumière. Elle s'étonnait de voir le bleu devenir vert sans qu'elle y prenne garde, l'orange tourner au rouge, le rose au violet.Bleu, certes, mais quel bleu ? Le bleu du ciel d'été à midi, le bleu sourd de ce même ciel quelques heures plus tard, le bleu sombre de la nuit avant qu'elle ne soit noire, le bleu passé, si doux, de la robe de la Madone, et tous ces bleus inconnus, étrangers au monde, métissés, plus ou moins mêlés de vert ou de rouge. »


Grognements inaudibles, mots dévorés, mis en pièces, mots éviscérés, longuement mastiqués, puis recrachés, comme de vieilles chiques. Noirs, pleins de salive, à moitié digérés. La vieille parlait comme on crache. Elle torturait la langue, la tordait comme un vieux chiffon pour l’adapter à sa bouche édentée. Elle mêlait un filet de bave sale à chacune de ses phrases, faisait des sons une terrible bouillie et pourtant ne répétait jamais rien. Frasquita obéissait à ces paroles détruites, elle acceptait l’autorité de cette langue difforme. En tant que belle-fille, elle se devait de saisir ces débris de langage.
La vieille parlait comme on hait. »
Carole Martinez - Le coeur cousu

Nous autres, lecteurs, examinons de près la bibliothèque de nos amis, ne serait-ce que pour nous distraire … d’autres fois pour savoir ce qu'a dévoré l’animal que nous avons devant nous
Carlos Maria Dominguez - La maison en papier

4 commentaires:

  1. Si, certain(e)s irréductibles, réfractaires, avaient encore des doutes sur le style de Carole Martinez, avec ces extraits, elles ou ils devraient être conquis(e)s :-)

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  2. Que de bonnes idées de lectures, par ces citations, qui sont intéressantes.
    Bises

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  3. @ Bladelor, j'ai toujours adoré relever les passages de livres qui m'ont plus !
    @ Méria, sans nul doute
    @ Sophie, oui, mais ! si tu prends en exemple "les veilleurs", les citations sont excellentes et pourtant je n'ai pas réussi à finir le livre !

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